032301 Géohistoire des îles Galapagos, de l’isolat écologique au laboratoire de la mondialisation

  • Dates des cours : 10oct-17oct-7nov-14nov-21nov-28nov
  • Heure de début du cours : 10:30
  • Heure de fin du cours : 12:30
  • Jour du cours : Jeudi
  • Intervenant : Christophe GRENIER


COURS SUPPRIME / information du 23 sept 2024

Christophe GRENIER

Ce cours a pour objet de montrer comment l’archipel des Galapagos est passé d’une position d’isolement écologique sur la Terre à des situations successives dans le Monde qui en ont fait un laboratoire géographique de la mondialisation. Je travaille depuis trente ans sur les Galapagos, où j’ai effectué de nombreuses missions scientifiques, où j’ai séjourné deux fois en 1992-1994 dans le cadre de mon doctorat en géographie puis en 2008-2011 en tant que créateur et premier directeur du département de sciences sociales de la Station de Recherche Charles Darwin. Ce cours est illustré par des graphiques et des cartes tirés pour la plupart de mes publications scientifiques, ainsi que de photos personnelles des Galapagos prises au cours des trente dernières années.
Le cours se divise en six séances de deux heures chacune (il se peut cependant que certaines séances soient plus longues ou plus courtes sans que cela porte à conséquence), et il suit le plan suivant.

La première séance est consacrée à l’histoire naturelle des îles Galapagos et comprend deux parties. La première traite du cadre physique d’un archipel de 8000 km2 composé d’une douzaine d’îles et de plusieurs îlots, et situé sous la ligne équinoxiale à 1000 km des côtes de l’Équateur, pays auquel il appartient. J’exposerai son volcanisme de « point chaud » qui donne leur configuration aux îles, sa position à la croisée de trois courants océaniques qui expliquent les prodigieuses diversité et abondance de leur vie marine comme l’aridité de leurs littoraux, et son climat où alternent une longue saison sèche et une courte saison des pluies, alternance régulièrement perturbée par le phénomène du Niño. Ce cadre physique a donné lieu à une marqueterie d’écosystèmes terrestres en fonction de la superficie et du relief des îles, de l’exposition des versants des îles aux alizés et de l’étagement bioclimatique des îles hautes ; les courants marins et les remontées d’eaux profondes ont aussi créé une mosaïque d’environnements marins dans les eaux de l’archipel. Sur terre comme en mer, ces conditions expliquent les diversités et spécificités biologiques des Galapagos, ce qui est l’objet de la seconde partie. Celle-ci expose comment certaines populations végétales et animales ont pu coloniser naturellement cet archipel, et pour certaines d’entre elles y former des espèces qui lui sont endémiques, dont les tortues terrestres, « pinsons de Darwin » et iguanes marins sont des exemples emblématiques. Ces endémismes résultent d’un processus évolutif que les naturalistes appellent « spéciation géographique », qui désigne la formation d’une nouvelle espèce par isolement écologique et dont nous verrons l’intérêt pour une analyse géographique de la diversité biologique terrestre comme de son érosion en temps de mondialisation. Enfin, je préciserai le rôle des Galapagos dans la théorie de l’évolution de Darwin.

La seconde séance commence par la présentation de quelques notions de géographie nécessaires pour ce cours. Elle est ensuite consacrée à la géohistoire des Galapagos des XIXe et XXe siècles, au cours desquels les ressources de l’archipel sont d’abord intensément exploitées par les baleiniers américains et les colons équatoriens alors que des expéditions scientifiques occidentales parcourent les îles, avant de devenir une base militaire états-unienne puis un parc national sous patronage international. J’établirai enfin comment l’Etat équatorien a utilisé la conservation de la nature pour intégrer réellement les Galapagos au territoire national, par le biais du développement économique – en particulier du tourisme – et de l’immigration en provenance du continent.

La troisième séance est dédiée aux caractéristiques de la conservation de la nature – institutions, politiques, programmes – aux Galapagos entre les années 1960 et 1990. Créée en 1959 en même temps que le Parc National des Galapagos (PNG), la Fondation Charles Darwin (FCD) est une institution internationale chargée de conseiller l’Etat équatorien sur la conservation de l’archipel. La FCD organise la mise en tourisme de l’archipel selon la modalité du tourisme de croisière qui domine au cours des trente années suivantes, et des programmes conservationnistes surtout axés sur l’éradication d’espèces introduites et la protection ex situ d’espèces endémiques menacées. Par le biais de la Station de Recherche Charles Darwin, sa base dans l’archipel, la FCD décide aussi des recherches naturalistes autorisées aux Galapagos et accueille de nombreux scientifiques en mission. Quant à la Direction du Parc National Galapagos, cette administration équatorienne n’a été créée que dix ans après le PNG et ne dispose que de très peu de moyens jusqu’aux années 1990, rendant la conservation de l’archipel peu efficace bien qu’elle soit considérée comme un modèle mondial. Je ferai enfin la critique de ce que j’ai qualifié de « conservation contre nature » aux Galapagos.

La quatrième séance porte sur la crise des années 1990, dont j’ai été témoin lors de mon premier séjour dans l’archipel, crise politique, sociale et économique qui est la matrice des Galapagos actuelles. Au début des années 1990, l’Etat équatorien a voulu empêcher le développement d’un secteur touristique terrestre dans l’archipel alors que la pêche aux holothuries, en principe interdite parce qu’elle provoquait d’importants dégâts écologiques en mer et sur terre, y connaissait un boom. Cela a engendré de très fortes tensions entre, d’une part, le secteur conservationniste allié aux entreprises de tourisme de croisière et, d’autre part, les représentants politiques insulaires alliés aux pêcheurs locaux et aux entrepreneurs du tourisme basé dans les centres peuplés de l’archipel. Cette crise sera surmontée grâce à une entreprise de résolution de conflits qui aboutira au vote par le Congrès équatorien de la « Loi Organique de Régime Special des Galapagos » en 1998. Cette loi comporte diverses dispositions qui font des Galapagos un territoire en partie autonome au sein de l’Equateur, et qui ont conforté la montée du « galapagueñismo », un sentiment d’identité insulaire fondé sur la volonté d’appropriation des ressources halieutiques et touristiques de l’archipel au profit des acteurs locaux.

La cinquième séance est consacrée à l’examen de l’ouverture géographique contemporaine des Galapagos, conséquence d’une croissance illimitée du tourisme dans l’archipel. J’exposerai l’évolution des modalités du tourisme actuel et ses principales caractéristiques, notamment à travers la présentation des résultats de recherches effectuées lors de mon second séjour dans l’archipel. Nous verrons ensuite les effets écologiques et géographiques de la large ouverture des Galapagos sur le Monde : invasions biologiques et homogénéisation écologique, croissance continue des moyens de transports aériens et maritimes entre l’archipel et l’Equateur continental, augmentation générale de flux de toute sorte entrant dans les îles, etc…

Enfin la dernière séance porte sur l’intérêt des Galapagos comme laboratoire de la mondialisation. En effet, cet archipel permet d’observer et d’analyser comment une région dont la singularité biologique provient de son long isolement a été progressivement mais de plus en plus largement ouverte sur le Monde avec, comme conséquence, une diminution rapide de ses particularismes écologiques. Or, d’une part il existe de nombreux cas de processus similaires dans le Monde actuel, et d’autre part ils concernent aussi des régions où des cultures et des géographies singulières sont menacées par la mondialisation. Aux Galapagos, le genre de vie de la population insulaire comme le tourisme pratiqué peuvent être qualifiés de «globaux », car ils concourent à développer l’homogénéisation géographique de l’archipel. Je terminerai ce cours par quelques idées pour contrer cette évolution destructrice de la diversité terrestre.

 

Résumé de carrière : Je suis maître de conférences HDR (Habilité à Diriger des Recherches) en géographie à Nantes Université, lauréat de la médaille de bronze du CNRS, et je travaille sur la mondialisation et la conservation de la nature à partir de divers terrains de recherches dans le monde. J’ai effectué de nombreuses missions scientifiques aux Galapagos, où j’ai séjourné deux fois, en 1992-1994 dans le cadre de mon doctorat puis en 2008-2011 comme premier directeur du département de sciences sociales de la Fondation Charles Darwin.